28 Juil 2010

L'apiculture en Lorraine

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LORRAINE et APICULTURE, Passé, présent, futur.

GEOGRAPHIE

Située au nord est de la France sur la grande dorsale économique européenne, entre Londres et Milan, concentration des plus forts potentiels industriels, technologiques et scientifiques d’Europe, la Région Lorraine en est un pilierimportant. Par son nord, elle est au contact de trois pays à haut niveau de vie, la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. D’une surface de 23 547 km2 , ayant 2 319 900 habitants soit 99 habitants au km2, la Région Lorraine est structurée en 4 départements aux écotypes variés : Meurthe et Moselle (54) ; Meuse (55) ; Moselle (57)et Vosges (88).

Liée à la création vosgienne, la formation géologique de la Lorraine, rattachée à celle du bassin parisien, remonte au début de l’ère secondaire, il y a 250 millions d’années. Trois parties distingue la Lorraine : le Pays des Côtes, le Plateau Lorrain et le Massif Vosgien.Elle est découpée du sud au nord par les trois vallées de la Meuse, de la Meurthe, de la Moselle, s’élevant à l’est sur le massif vosgien où naît aussi la Sarre. Entre côtes de Meuse et côtes de Moselle s’étend la fertile plaine de la Woëvre (argiles du Callovien) large de 25 à 30 Km. Le département de la Moselle se situe à la bordure orientale du Bassin parisien, à son contact avec le massif des Vosges. A l’ouest, se trouve les côtes de Moselle, rebords escarpés des calcaires jurassiques du Haut-Pays, découpées par les affluents de la Moselle qui isolent de nombreuses collines. Avec la Woëvre, les côtes de Moselle sont l’un des secteurs les moins arrosés par les pluies en Lorraine. Au pied des côtes, où coule la Moselle,qui envoie ses eaux par le Rhin à la mer du Nord, s’étend une plaine d’argiles jurassiques. Au nord, la Warndt est un plateau forestier où se situe les anciens bassins miniers des houillères, limités par la Sarre.Vers l’est, se trouve le pays de Bitche et les collines s’adossant aux basses Vosges, composés de Muschelkalk (calcaires coquilliers), de marnes irisées et de grès bigarrés du trias moyen. Enfin, à l’est et au sud-est, la montagne forestière se rattache aux Basse Vosges gréseuses et en constitue les premières hauteurs. Le point culminant lorrain est le Hohneck à 1364 m sur la crête allant vers l’Alsace.

INDUSTRIE

L’industrie est diversifiée,concentrée dans la partie nord de la Région, le long des frontières et de la vallée de Moselle sur l’axe Thionville-Epinal. La production automobile, les sous-traitants, boites de vitesse, pneumatiques, batteries, électronique, les dérivés des filières bois forment une activité importante, remplaçant les houillères fermées depuis plusieurs années. L’industrie lourde sidérurgique survie dans la vallée de la Moselle. Les industries salines (région de Dieuze) et chimiques du secteur de Nancy, Forbach, Carling, Sarralbe sont en sursis. Les quatre Universités de Nancy(3)-Metz (1)rassemblent plus de 3000 chercheurs dont 2000 publiants, 55 000 étudiants ,constituant un potentiel créatif et intellectuel vital. Issues d’une rivalité ancienne entre les deux pôles lorrains, elles vont enfin fusionner(2012) pour constituer une université unique, économie des savoirs et d’excellence scientifique à la mesure des défis euro-mondiaux où la Lorraine se doit d’ être présente.

AGRICULTURE

L’agriculture s’exerce sur des sols difficiles. La Lorraine agricole produit des céréales, orge, blé, colza, avoine, mais aussi du houblon et des betteraves. L’élevage bovin, vaches laitières, broutards, est important sur le plateau lorrain, consacré aux pâturages et au fourrage. L’exploitation forestière domine au Haut-Pays et dans la montagne vosgienne. La forêt lorraine est composée de feuillus, hêtres, chênes,érables,bouleaux, un peu de châtaigniers. Les massifs vosgiens sont principalement formés de résineux, épicéas, sapins, pins, et de feuillus. En 2008 « Floraine », l’association des botanistes de Lorraine, termine la réalisation d’un atlas de la flore de Lorraine ce qui permettra une meilleure connaissance de la répartition de toutes les espèces végétales sur le territoire lorrain et de déterminer les mesures de protection pour les espèces les plus rares ou en forte régression. La flore contient des digitales, des orchidées,des plantes classées au patrimoine mondial, des lys, arnicas, gentianes, pensées sauvages, droséra,belladone, luzule blanche (parc des Vosges du Nord). Les vergers de pruniers comme la mirabelle, la quetsche, la reine-claude sont situés principalement en vallée de Moselle mais aussi dans toute la région, donnant des alcools blancs recherchés. La pratique apicole, environ 1300 T à 1400T de miel en 2006 soit 8% de la production française reste intéressante du fait de la très grande diversité phytosociologique des terroirs et de zones protégés comme, entre autres, le parc de Lorraine et le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord ,classé « Réserve mondiale de la Biosphère » par l’UNESCO. Le climat de type continental océanique est assez rude et pluvieux dans les parties montagneuses, mais est plus tempéré dans le pays messin et la vallée de la Moselle où la vigne (900 ha classés VDQS) comme dans le Toulois, (700 ha) produit du vin (AOC, « Gris de Toul ») depuis le 3°siècle.

APICULTURE

L’apiculture tient une place à part dans le monde agricole lorrain. Longtemps ignorée des instances agricoles et politiques, par son unification, elle est désormais considérée comme un partenaire régional agricole à part entière. Sociétalement, les apiculteurs ruraux lorrains en déclin, sont de plus en plus marginalisés car l’implantation urbaine des ruches se développe davantage. Les 3300 apiculteurs estimés en 2008 en Lorraine, ont généralement moins de 10 ruches. Une vingtaine d’apiculteurs lorrains sont des professionnels exclusifs. L’apiculture lorraine vit une période difficile liée surtout au vieillissement de la profession apicole. La réduction drastique des adhérents des syndicats lorrains, malgré les ruchers écoles, obéit à cette situation, aggravée par le renoncement à l’apiculture, faute d’intérêt économique évident, d’une jeunesse peu motivée. La défaillance du maillage territorial apicole secondaire au non-remplacement des petits producteurs qui disparaissent en milieu rural, a des conséquences de plus en plus marquées sur les productions agricoles,en particulier chez les arboriculteurs. La couverture pollinique minimale estimée à 2 ruches par kilomètre carré n’est plus assurée dans de nombreux secteurs en particulier dans les Vosges. L’apiculture lorraine doit aussi faire face à de sérieuses difficultés économiques liées à la morbi-mortalité des ruches. Les pathologies apicoles réduisent fortement le cheptel apiaire, son rendement, décourageant les apiculteurs restants. La problématique sanitaire est liée à la persistance de la varroase, à son cortège de pathologies induites dont les nosémoses. Cette situation est aggravée par les conséquences sur l’immunité des abeilles de l’emploi pluri-décénale des produits phytosanitaires en agriculture. La raréfaction pollinique constatée dans les régions de grandes cultures est une autre séquelle des traitements phytosanitaires et des remembrements réduisant les buissons et taillis. Associés à la transformation climatologique des biotopes, ces différents facteurs altèrent la vitalité des ruches rurales, l’équilibre de l’écosystème ruche alors que, paradoxalement mais logiquement, les ruches urbaines moins exposées au manque de pollen grâce au fleurissement urbain, sont en meilleur état sanitaire, avec de bonnes récoltes de miel ! Une cause possible et oubliée de morbidité est la conduite de rucher fondée sur la récolte intensive,oubliant les besoins physiologiques de l’abeille. La surexploitation, la transhumance sont aussi responsables de carences nutritionnelles, de contaminations inter-ruches et de surmenage comme le notait déjà l’abbé WARRE( +1951) : « Les méthodes modernes, par d’autres procédés dont je parle dans mon manuel, obligent encore l’abeille à un surmenage nuisible. Or, le surmenage conduit à l’affaiblissement et l’affaiblissement rend plus apte à contracter toutes les maladies, chez les abeilles comme chez les hommes. » La Lorraine produit non seulement des miels de nectars de fleurs mais aussi une très grande diversité de miels de crus comme le miel dit d’acacia, de tilleul, de châtaigniers, de ronce, pour les principaux.Les miellats de forêt, le miel de sapin des Vosges réputés, sont recherchés.Une appellation d’origine contrôlée Vosges (AOC : 30 producteurs) pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Le marché du miel régionale est insuffisamment organisé, trop étroit, affronté à la concurrence des prix trop bas des miels exogènes importés. Tout n’est cependant pas noir en Lorraine,loin de là. Si l’étiage prévisible des apiculteurs se situera autour de 1800 à 2500 producteurs dont 30 à 40 professionnels qui posséderont plus du tiers du cheptel, celui-ci ne devrait globalement diminuer que très modérément. Les formations sanitaires organisées depuis un demi de siècle par le GDSA de Moselle sont exemplaires, les ruchers écoles fonctionnent bien, ont de nouvelles recrues surtout du milieu de vie urbain. Un nouveau rucher-école voit le jour en 2009 à l’est, à Volmunster, de jeunes professionnels tentent l’aventure, le CETAM se développe très régulièrement et devient une référence majeure dans le domaine analytique, des projets apicoles variés sont en cours. Les apiculteurs, leurs responsables attendent aussi beaucoup du plan régional de développement de l’apiculture, plan soutenu par la Confédération Régionale et ADAEST, approuvé par la Région Lorraine concernant, entre autres dispositions, la généralisation des jachères apicoles défendues par ADAEST et la CRAL pour augmenter les ressources polliniques, un plan qui doit encore trouver un financement pérenne

UN PEU D’HISTOIRE APICOLE

Le miel est produit en Lorraine déjà à l’époque romaine comme l’atteste les fouilles archéologiques. Le centre cultuel romain majeur situé à GRAND dans les Vosges, dédié à Apollon et Granus, dieu celtique guérisseur, devait consommer en quantité des cires et des miels à vocation votive. La religion chrétienne qui supplante le paganisme dès la fin du 4° siècle n’est pas en reste dans l’usage des produits de la ruche. L’apiculture reste dès lors l’apanage réservé des religieux séculiers, mais surtout des abbayes lorraines où les moines tirent des revenus très substantiels de leurs ruchers. Le miel reste rare, difficile à récolter, pressé à mains nues, chargé de débris. Il permet seul de sucrer les aliments. La cuisine du Moyen Âge très sucrée,témoigne que le miel est signe de richesse et de pouvoir. Outre la cueillette des ruches sauvages en forêt qui sont enfumées et vandalisées, la récolte de miel au moyen âge se fait selon Estienne et Liébault (1598) par une des trois « méthodes » -Le transvasement, d’une ruche vers une autre (récolte totale) -Le prélèvement des cadres naturels de cire pour moitié, sans considération du contenu des galettes récoltées dans les ruches en bois. -L’étouffage, ou la noyade( !)tuant toutes les abeilles… Les cadres de cire sont pressés manuellement ou plus tardivement en pressoir, fondus avec cire surnageante. Dans la région, les premières ruches en paille remplaçant les troncs évidés utilisés jusque là, apparaissent au 15°-16° siècle. Depuis le haut Moyen-Age jusqu’à l’époque impériale la technique de récolte n’évoluera pas. La plus grande évolution de l’apiculture se produit après la révolution de 1789. Elle reste par osmose, indissociable de l’histoire mosellane et alsacienne. En 1868, le pasteur Bastian met au point son propre modèle de ruche appelée plus tard ruche Bastian (Bastianstock) ou ruche alsacienne (Elsässerstock). Ce modèle, dérivé des ruches Berlepsch et Dzierzon, après de nombreuses améliorations et mesures, est finalisé en 1873. Des adaptations d’origine locale modifient la ruche Bastian et donnent les variantes à « cadre debout » ou « couché », cette dernière devenant progressivement prépondérante. C’est celle que j’exploite aujourd’hui encore avec satisfaction à mon rucher dans l’ adaptation à 12 cadres du système CLAERR. La période 1871-1914 apparaît à l’historien local de l’apiculture régionale JJ MARTZ comme un véritable « âge d’or » de l’apiculture alsacienne et mosellane. La « science apicole est dans l’air du temps » selon un texte contemporain. Les sections apicoles se multiplient en Alsace, stimulées par l’engouement général et se rassemblent dès 1876 en fédérations de syndicats de producteurs apicoles conformément aux dispositions législatives impériales allemandes du droit du travail, dispositions qui perdurent dans le droit social local actuel. En Lorraine non occupée, une figure se détache, celle d’un autre ecclésiastique ,l’abbé VOIRNOT, né en 1844 à MOIVRON, près de Pont-À-Mousson à proximité de la frontière franco-allemande.Il reconnaît vite les limites d’une conduite de rucher avec le panier fixe où les abeilles construisent librement leur bâtisse, sans que l’apiculteur leur imposer un plan de travail, dans un panier ou une caisse. Les abeilles travaillent comme elles l’auraient fait dans la nature en liant les gâteaux de cires les uns aux autres, sans axe de symétrie précise. Cette construction figée de l’habitat impose à l’apiculteur de détruire la bâtisse lorsqu’il souhaite récolter. L’abbé VOIRNOT curé depuis 1870 à VILLERS(+1900), expérimentateur né, utilise alors dans son rucher des paniers avec hausse et grille à reine, inventions d’un ecclésiastique lorrain voisin, l’Abbé COLLIN. Leur usage ne résout pas les problèmes de la conduite et de l’ adaptation de la ruche modifiée à une production optimale. Après plusieurs saisons apicoles d’observation et de réflexion, l’abbé VOIRNOT publie en 1891 le traité princeps qui le fera connaître :« l’Apiculture Eclectique » où il donne sa méthode d’apiculture et les dimensions raisonnées d’une ruche optimale.« J’ai cherché à réunir en un seul modèle tous les perfectionnements conciliables que j’ai empruntés partout » dira-t-il. Sa méthode connue un rapide et franc succès mérité, car elle révolutionnait l’apiculture du 19° siècle en Lorraine française , comme le faisaient ses concurrents DADANT, LAYENS et LANGSTROTH, mais à l’époque son succès fut essentiellement régional et en périphérie de la Lorraine, au Luxembourg, en Belgique, mais aussi en Suisse non alémanique. Cette ruche est de fait bien adaptée au petit producteur en milieu rigoureux ou en altitude. En Moselle occupée, la ruche alsacienne du pasteur protestant BASTIEN, le système normalisé allemand restent majoritaires face à la ruche du curé catholique français…

L’organisation de l’apiculture, en Lorraine hors Moselle, fut aussi son œuvre et nous lui en sommes redevables. Il est le fondateur de la Société Apicole de l’Est et l’artisan promoteur de la Fédération des Sociétés Françaises d’Apiculture qui aboutira à la création du Syndicat National d’Apiculture après la Grande Guerre. La Première Guerre mondiale marque la fin de cette période bénie en ce qui concerne l’apiculture alsacienne et mosellane. L’association, reconduite sous le nom de Société d’Apiculture d’Alsace et de Lorraine, devient le premier mouvement apicole français en nombre d’adhérents. MARTZ constate : « Malgré cette position, un certain malaise se développe dès les années 1920. L’enthousiasme des grands apiculteurs de la fin du XIXe siècle disparaît avec leur mort. Les expositions apicoles ne font plus recette et la crise des années 1930 se traduit par une mévente du miel. » La Seconde Guerre mondiale constitue une parenthèse dans l’histoire de l’apiculture lorraine et alsacienne. Le regroupement apicole, intégré dans la politique apicole nazie, même si les services proposés par les occupants sont importants, n’amène que très peu d’apiculteurs lorrains ou alsaciens à participer volontairement au système nazie, mais la contrainte les oblige à céder une part importante de leur récolte minimisée, au profit de l’effort de guerre allemand. Malgré cette forme de résistance, l’attitude de certaines personnalités apicoles et le fait que le soutien nazi en matière d’apiculture est réel, fera que la Société d’Apiculture d’Alsace et de Lorraine ne sera pas reconduite après le conflit. Les apiculteurs se retrouvent dans le cadre de fédérations départementales. « Après de nombreuses tentatives de regroupements avortées, grâce à l’action de Georges Kuntz et d’Auguste Baldensperger,le mouvement apicole se joint au regroupement arboricole en 1952. L’Union des Fédérations apicoles et arboricoles d’Alsace et de Moselle ( UFAM)voit le jour. Le regroupement apicole mosellan et alsacien, malgré certaines difficultés d’entente, se maintient de manière active jusqu’à aujourd’hui. »( MARTZ ).L’UFAM édite depuis cette date, la revue mensuelle « Fruits et Abeilles » sur abonnement tirant à près de 14 000 exemplaires.

AUJOURDHUI

Que représente en Lorraine l’apiculture aujourd’hui ? L’ensemble de la Région Lorraine comptait en 2001, 3800 apiculteurs dont 1500 dans les Vosges pour 35 000 ruches. En Moselle 1084 apiculteurs sont syndiqués en 2000, 895 en 2005, 798 en 2007. La région Alsace dénombrait en 2001, 3290 apiculteurs se répartissant 35380 ruches (Bas-Rhin : 1720 apiculteurs, 18200 ruches ; Haut-Rhin : 1570 apiculteurs, 17180 ruches). Les apiculteurs professionnels vivant du seul revenu apicole, ne sont qu’une petite trentaine sur les 2 régions avec des cheptels de 300 à 700 ruches ne dépassant qu’exceptionnellement 1000 ruches par exploitant. Le parc français est estimé à 1,2 Million de ruches en 2004 dont environ 90 000 dans les six départements d’Alsace-Lorraine. En 1907, pour mémoire, selon MARTZ « l’Alsace Moselle comptait 9931 apiculteurs et 51014 ruches. En moins de cent ans, le nombre de propriétaires de ruches a été divisé par trois et le nombre de colonies d’abeilles par 1,5. Les apiculteurs se répartissent en 22 syndicats apicoles regroupés en une Fédération Apicole en Moselle , de même il existe 51 syndicats alsaciens (Bas-Rhin : 28 syndicats ; Haut-Rhin : 23 syndicats). Ces regroupements adhèrent chacun à une Fédération apicole départementale formant une Confédération Régionale. »

En Meuse comme en Meurthe et Moselle existent deux syndicats départementaux qui adhèrent avec la Moselle à la Confédération Régionale des Apiculteurs Lorrains, ( CRAL) rejoint par deux syndicat vosgiens sur les quatre existants. Les deux confédérations Lorraine et Alsace ont des liens très étroits, une coopération renforcée, la Lorraine disposant du CETAM dont le laboratoire très performant est largement utilisé par la profession. Des professionnels lorrains, alsaciens sont avec ceux de Champagne-Ardenne regroupés au sein du SAPLAC (moins de 30).

L’apiculture lorraine connaît donc des difficultés structurelles liés comme en 1842 à un manque d’attrait économique évident. La moyenne d’âge des apiculteurs ne cesse de s’élever. Elle atteint désormais un niveau critique (entre 65 ans et 70 ans) et les effectifs diminuent régulièrement, entre 3% et 4% de perte annuelle de membres selon les classes d’âge atteignant 8 à 9% certaines années. La mutation profonde de l’environnement dans les campagnes et les périphéries des villes limitent de plus en plus les emplacements pour exercer la pratique apicole. Les apiculteurs, pour la plupart pluriactifs, trouvent rarement des successeurs au moment de leur disparition ou de leur départ à la retraite. Des causes sérieuses comme les pathologies, les traitements utilisés par l’agriculture moderne, les intoxications, la perte de rentabilité économique sont responsables du déclin de l’activité apicole rurale avec maintien voir une croissance en zone urbaine. Ce phénomène ne se rencontre pas uniquement en Alsace-Lorraine. La France et les autres pays membres de l’Union européenne connaissent la même crise apicole qui ne trouvera remède que dans la prise de conscience de l’importance écologique capitale de l’abeille dans l’environnement, de sa valeur économique en agriculture et de sa capacité biologique à anticiper les crises et donc participer à leur prévention.

DEMAIN

L’apiculture devra assumer en quelques années une mutation rapide et profonde. L’exploitation apicole sera duale : les producteurs professionnels qui assureront une part de plus en plus importante des récoltes de miel et une apiculture technique de loisirs urbaine et périurbaine et des ilôts de petits producteurs ruraux en régression sous la pression des pathologies nécessitant une pratique apicole de qualité. La place de l’abeille est assurée. Les travaux du CETAM-L concernant la surveillance phyto-sociologique de l’écosystème, la détection précoce des troubles induits par les polluants artificiels ou naturels, la transformation des conditions climatiques, leurs conséquences sur notre environnement et nos pathologies, sont connus et confirment que l’abeille est et restera une véritable sentinelle écologique environnementale indispensable et sans équivalent pour l’homme. Les études approfondies conduites à l’université Strasbourg et de Metz concernant le système immunitaire des insectes en général et de l’abeille sont porteuses d’avenir pour l’apiculture. Outre l’intérêt de telles études pour la santé des abeilles, des applications médicales humaines sont certaines. A preuve, les vecteurs de l’immunité immédiate, les ABP (antibactérialpeptides). Ces peptides de bas poids moléculaire agissent sur les membranes externes et internes des bactéries, les détruisant. A chaque famille infectieuse correspondent des ABP spécifiques. Les peptides de défense des insectes agissent aussi en désorganisant le système de réparation bactérien. Une meilleure connaissance des récepteurs rendra possible le développement de nouvelles classes d’antibiotiques sélectifs spécifiques d’une bactérie ou d’un champignon. Les antibiotiques peptidiques du type Apidaécine ( abaecine, hymenoptaecin) ayant une activité renforcée ou selon les couplages, des spectres antibactériens différents, sont de bons candidats. La méllitine du venin d’abeille a une efficacité bactéricide meilleure que les peptides bactéricides des animaux, comme les cécropines et magainine 2. L’espoir est certain de mettre sur le marché de nouveaux médicaments, notamment anti-tumoraux, issus de l’abeille et de ses productions, qui viendront renforcer les moyens de la médecine de demain. Les contributions efficaces des constituants usités de la ruche et de leurs dérivés synthétisés ou extraits des produits organiques issus de l’hémolymphe de l’abeille, de ses cellules, sont la vraie chance de l’apithérapie moderne et renforceront l’intérêt d’une frange éclairée de la population à la pratique de l’apiculture.

Source de médicaments d’avenir, productrice de miel et de cire, pollinisatrice émérite, l’abeille est, pour la population, pour ceux qui la pratiquent, la garante du maintien de la qualité environnementale de notre milieu et de notre santé. Elle demeure à travers le maillage territorial indispensable des ruchers des petits producteurs de miel en Lorraine et d’ailleurs , notre allié le plus précieux, le plus vital pour permettre à nos descendants de vivre durablement dans un monde habitable…

Dr BECKER Albert Président de la Confédération Régionale des Apiculteurs Lorrains , de la Fédération de Moselle, du CETAM-L Vice-Président de l’EPBA ( Europeen Prof. Beekeepers Ass.) et du GDSA 57

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